samedi 31 décembre 2016

Flux





L'enfant bouscule le monde
Le pousse il répond
Le lance il revient
Joue avec
Un bâton à l'épaule

L'enfant court
Vite pour devenir garçon
Qu'une fille rejoint
Les bras écartés
Bleu comme la mer lui
Elle les cheveux au ciel

Le monde va ses cahots
Perd en rondeur
La joie tourne
- Plus tard tôt enfin si vite -
Ils découvrent un visage
De lumière lisse
Le fils
D'une jeunesse
Dont la poitrine déborde

Le monde heurte
L'homme devenu seul
Dévie sa trajectoire
Confond le dur qu'il était
Au doux qu'il voulait être
Le vieux revoit le bois
Porté à l'épaule
La fille dans la dune
Et l'oeil du cosmos
Qui le transperce




25 décembre 2016 Talence

mardi 20 décembre 2016

Marcel Gotlib



Marcel Gotlib

Il va faire rire qui Marcel au paradis
Quels anges va-t-il prendre sous l'aile de sa plume
A quels gros seins se dévouera-t-il 
Déjà acteur dans ses pièces
Dieu se mordra bien la barbe
En le voyant arriver

Même enchaîné à sa table à dessin
Même sommé de dérider le ciel et l'enfer
D'en rire et d'en faire rire
 Jovial il restera Marcel
Pour unir dans les mêmes fluides
Les hommes et les dieux

Certes
Ce sera rude tâche 
De tromper l'éternité
Marcel réfléchit
Se prend les pieds dans ses pinceaux
Hésite à se tremper dans l'encrier
Puis allez c'est décidé
Il croquera la vie à nouveau
De son humour carré noir
Convoquant souris, lurons, samouraïs,
Tarzan bandant et nains lubriques

Un petit blanc Marcel ?


Marcel Gotlib, 14 juillet 1934-4 décembre 2016

lundi 12 décembre 2016

Poème en forme de journaux



1 -
D'abord un cocktail, dans un restaurant vidé de tables, une avocate qui lâche sa robe.

2 –
Puis la cave du club de jazz. Trois poètes américaines pour une lecture bilingue. J'arrive en cours de la deuxième.
Bordée de métaphores architecturales, texte glué au dictionnaire. Je suis pas dedans. Pas encore.

3 – Après dans la nuit solitaire, le temps dit qu'il s'est passé quelque chose.

1 –
Des invités, je vois surtout les femmes, cheveux à l'onde.
Chacune est toutes et toutes chacune.
Tandis que les mâles tapent du sabot, elles. Elles regardent au-delà, savent l'océan qui s'ouvrira.
2 -
Auteure n° 3 convoque la musicalité. Ça doit danser sous les syllabes, scander dans le texte. Marcelle Durand pilote un poetry project à New-York. Qui est comptable d'une lecture ?

3 – Une aurore fuse dans la nuit. La clarté m'inonde.
Au lieu de faire fracas les mots s'agrègent.J'écris.


1 -
Quitter le pot de départ – parce qu'on m'attend au Pannonica - mais le lieu rétino-persiste : je vois les mains qui fouillent les plateaux, les yeux qui scannent les possibles.
2 -
L'auditoire d'une lecture ressemble à un papillon cloué.
L'interprète, poète aussi, brode en translatant.
La langue primaire insiste. Persiste son bourdon.

3 - Comme si à elle seule la solitude faisait foule.


1 -
Boire, mâcher, servir sa vie en tranches incandescentes dans l'effusion de l'insouciance.
Chacun se croit. Roi.
2 -
Sur le plateau éploi de la question de la forme.
Tony Foster - n° 1 - commente avec brio.

3 - Tout est début. Le noir est générique au film de la nuit,.


1 -
Décantation des heurs de la nuit, et comptage des points de séduction. Les chairs flairent à fleur de peau.
2 -
La prosodie anglaise ignore l'alexandrin rappelle n° 3.
C'est pour cela qu'elle s'y risque.

3 – Grimper à l'échelle des mots. En bas le certain précipice.
En haut un sommet jamais sûr

1 -
Les talons punaisent la nuit au carrelage.
2 -
Tina Darragh – n°2 - raconte le suicide d'une fille de son collège un livre de Sylvia Plath à la main.
Scandale chez les religieuses qui les pensionnent.
La poésie doit décentrer l'absurde commente n°1.

3 – Pourquoi ne suis-je pas resté boire ?


1 -
Aux cordes de la nuit s'étend la sueur.
2-
- Listening to Harlem, fut la réponse de Tonya Foster au New York interdit du 11 septembre. Aujourd'hui elle file des haïkus.

3 - La nuit devient une île arpentée par Frank Smith « Isle de Jean, avec la mer, les pélicans, les petits crabes bleus... »


1 -
Départ. Quoi faire sinon fondre au chaud d'un corps.
2 -
Marcella Durand pleure son pays engagé sur la voie fasciste.
Que peut la poésie ?

3 – Pas sommeil, j'erre.


Nantes Midi-minuit poésie 8-11 décembre 2016


dimanche 4 décembre 2016

Alep encore





Alep miroir éblouissant aveugle
De biais regardé
Pour ignorer
La catastrophe le tombeau

L'ONU laisse
Quartier libre aux pas de quartier
Elle dit le crime
Elle crie le crime le décrit
Elle ne dit rien des criminels

Le crime devient la norme
Admise énorme
Alep devient un crime
Sans coupable
Un complot pour son bourreau

Regardez bien gens de l'enfer
Là-bas
Ces sourcils étonnés relevés
Sur la face des négateurs


30 novembre 2016.
Interview Jean-Pierre Filiu

samedi 3 décembre 2016

Rocco






Rauque raide rude
La caméra suit dans les recoins
Hors champ gardée la chose
Rocco joue la nuque 
Le mouvement
Son corps est le théâtre
D'un acte unique et répété
Que le diable habite

Il a du répondant
Rocco
Allers-retours allers-retours
Sans laisser-aller
Il a des partenaires
Cabrées cambrées
Scabreuses
Martyres offertes
Quand il meurt en croix
Tendu dressé
Ludique
Clignant du coin de l'oeil




30 novembre 2016 sortie du film « Rocco »
de Thomas Demaisières et Alban Teurlai

dimanche 13 novembre 2016

Couleur Trump




Une tâche sur la carte

Écarlate imprévue

Un renvoi un spasme produit

D'une rage rentrée qui chancre le territoire

Bile étalée d'analphabète



Crispé sur sa carabine

Le peuple a voté

Pour un hier illusoire

Quand quatre

Et huit ans plus tôt

Ses frontières accouchaient

D'un bébé arc-en-ciel


Appelant à demain

De ses menottes ouvertes



Les grands blancs

Lui ont coupé les ailes

A la Chambre au Sénat à la Cour

Les petits à leur tour

Veulent tirer librement

Dans les champs

Sur les boules de coton

Qui les dépassent

8 novembre 2016, Donald Trump élu président des États-Unis


lundi 31 octobre 2016

Asli Erdogan «Lettre écrite depuis une prison turque » 



Oui Asli ta voix nous parvient
« à travers les murs épais impénétrables »
comme est parvenue celle de Hikmet
qui « regardait le ciel à travers les barreaux
et sentait son coeur battre
avec l'étoile la plus lointaine »


Oui Asli ta voix nous parvient
Triste et décidée
Désolée du sort fait
A la liberté
Aux écrivains emprisonnés
Aux journalistes asservis
A la « beauté vérité »
Que le régime broie en poudre de perlimpinpin


Oui Asli ta voix nous parvient
Portée par des voies courageuses
Qu'émeuvent ta rage
Tes cris malgré ton corps enfermé
Tes cris pour ces jeunes disparus
A Dyarbakir
Ces familles explosées
Ces fonctionnaires dénoncés
« Seule la vie importe »
Dis-tu encore
Vis donc

Comme Hikmet a tenu
Mandela a tenu
Dantès a tenu
Contre l'injustice
Toi aussi tu tiendras Asli
Car ta voix nous parvient

 Le Monde des 1-2 novembre 2016

vendredi 28 octobre 2016

Lucia Pérez






Au fort de la nuit
quand la souffrance perce
qu'aux parents surgit le visage
à peau de phosphore
quand l'insupportable brûle
quand rien n'apaise


Au fort de la nuit
savoir quand même
que des femmes
en noir
ensemble
une heure
crient dans les rues
l'évidence des fleurs du vent des parfums
une heure
portent les douleurs
de celle
qui meurt
chaque 36 heures




Lucia Pérez, 16 ans, assassinée à Mar del Plata (Argentine)
le 8 octobre 2016 après avoir été droguée et violée


vendredi 21 octobre 2016

hallucinàlyon

 


aux lèvres bleues
une fille tanguait
sur le pont de l'université
elle volait
comme les mouettes en dessous
immobiles à force de battements
elle était droite comme était courbe la voie
tout s'aspirait dans sa bouche
la lumière le pont
la pointe qui venait au cœur
en la croisant
les cheveux troués de tramontane
elle volait
souriait
lèvres bleues
elle passait






Lyon 21 octobre 2016

dimanche 16 octobre 2016

Dylan Nobel








L'Académie
L'a élu
Lui
Qui s'en fiche
L'élucubriste
Surréaliste
Biblique électrifié
Le meilleur peut-être
Peut-être pas
Sa guitare
Au cœur de l'Amérique
Sa voix
Au cœur du monde
Sa façon
Torse
De soulever le monde
Il s'en fiche
Il balance c'est tout
Accroche des vers
Des croches
Au cœur des hommes


Poète
Elu







12 octobre, Bob Dylan prix Nobel de littérature 2016

jeudi 6 octobre 2016

Alep/un jour/un ciel




Le bruit est bête sauvage

Qui fracasse les corps

Dérègle la raison

Épanouit la peur

Jouit/d'être imprévu

Fragmenté/certain



Le silence lui est faire-valoir

Éclipse éclipsée/suspendue

Un souffle

Fragile comme verre sous l'orage

Le silence vient après

Le fusement des jets

L'explosion des bombes

Le crépitement du phosphore

La cinglerie des clous

Après les sirènes les cris

Le silence vient comme un rien



Et l'enfant tremble

Au bruit du camion poubelle

De la porte qui claque

Du gravat qui tombe

Du ronflement du père

Même une souris qui passe

s'arrête et part en trottinant

Le fige



Octobre 2016. Intensification des bombardements russe sur Alep

mercredi 5 octobre 2016

Y aller (à Alep)




Y aller
Oser détordre la peur au ventre
Porter le drapeau
Savoir qu'on va mourir
Pour un terreau de liberté
Qu'on ne verra jamais

Y aller pour partir
En fumée
Se dissoudre
Dans la peur/ les viscères 
Eclatés noués
Le fracas/les odeurs
La raison explosée

Y aller malgré tout
Quand le monde se terre
En ses frontières de coton-tige et boules de cire

Viendra-t-il le silence ?




Octobre 2016
Des jeunes syriens en renfort dans Alep pilonnée



mardi 26 juillet 2016

Le banc d'Arguin

L'eau ourle le sable ancien
Les bateaux à l'ancre paissent
Des bandes bleues piratent la mer
Chevauchant le miroir
D'émeraude

L'estivant sur ses bords
Se prélasse
Oublieux du silence
Des rouleaux déferlants





Au loin l'or de la dune
Gardienne des verts troupeaux
De pins Pyla

Au centre 
Un désert
Un brûleur
Un cachot à grains
Enlisé par la mer
il fait chaud
Comme frais dans la vague


Bassin d'Arcachon 26 juillet 2016