lundi 28 décembre 2015

Femmes de réconfort



Femmes de réconfort

Maintenant vieille la dame coréenne
Se souvient des coussins dans la maison d'en face
Des tulles immaculés gonflés par la brise
Du rire de la femme de l'officier
Des senteurs d'opium et de jasmin
Parfois échappées des fenêtres

Elle était en sabots
Avec quinze autres
Parquées derrière l'écurie
Elle entendait les chevaux
Ses cris
Personne n'y prêtait attention

Sa sœur sa mère
A quelques kilomètres
Dans un autre cloître de bois
Se tenaient
Disponibles comme elle aux soldats
Incompréhensives
Sinon que l'Empire les avait soumises
Pour le pire

Soixante-dix ans
Plus tard
Un descendant
De l'Empereur
Condescend
A l'excuse et au repentir
La pensionne
La décorerait presque

Le sang flue
Dans sa déveine
Le froid plus encore
Des glaçons que rien ne fait fondre




28 décembre 2015, accord du Japon et de la Corée du Sud

sur les femmes de réconfort

vendredi 18 décembre 2015

Hey Dan Fante





Hey Dan Fante







Il y a trois semaines

Un ami m'a offert

« Bons baisers de la grosse barmaid »

J'ai dévoré

Epaté de la lumière

De la capacité à exposer une peau meurtrie

Sans plus d'écorchure

Une poésie juste

Comme une note de musique

Une trivialité - chatte cul merde – d'apparence

L'alcool résorbé et résolu

L'écriture comme addiction



Ce soir je devais lire

A haute voix dans un bar

J'avais choisi

Ton hommage à Hubert Selby

Ecrit le lendemain de sa mort

Cubby est mort hier soir

Et j'apprends aujourd'hui 18 décembre 2015
Ta mort du 23 novembre

Ce putain de jour où je dois te lire !

Alors j'ai dit un de mes poèmes

Et te l'ai dédié



Salut Dan Fante

Brûle des cartouches d'encre là-haut

Forme de gros nuages de mots

Qui crèveront de vers joyeux

Sur nos têtes







Mort du poète et romancier américain Dan Fante 
le 23 novembre 2015

dimanche 6 décembre 2015

Premier tour











Le mal est fait
L'écorchure saigne
Des mains amies ont-elle failli
Comment les serrer désormais

La terre est bonne
Depuis des mille et des ans
Qui absorbe le carbone
Et le sang
De tant de carnages
Un de plus ne la désaxerait pas

Rendez-vous génération suivante
Pour un coup d'éponge
Au tableau de l'histoire
En attendant
Tenter de suturer
La plaie

samedi 21 novembre 2015

Le bouton de nacre (El boton de nacar)



Le bouton de nacre
(à Patricio GUZMAN)



L'eau
Est tout en Terre de Feu
Lien lieu mémoire
Rien dans le désert d'Atacama
Sinon au bout des téléscopes
Qui la détectent en peau de l'Univers


Raul Zurita
Poète au corps gravé
Des pires tourments
Dit que l'eau se souvient
De l'abus comme de la lumière
Que l'homme est un assassin
Qui associe la glace
A la mort et au massacre

L'eau a des raisons
Qu'ignorent le nacre et les boutons
Ses glaciers las d'attendre l'été
Craquent dans une musique d'étoiles
Où vivent les esprits
                                                Kaweskar
                                                                 Selknam
     Aoniker
                                                                                           Hausch
                                                                                                       Yamanas

todos pueblos desaparecidos




Documentaire chilien de Patricio GUZMAN
sorti en France le 28 octobre 2015

jeudi 19 novembre 2015

Daesh



Daech


Tache
De faire un effort
Creuse autre chose que des tombes
L'amour n'est pas la mort
L'amour n'est pas l'effroi/les cris/le froid
L'amour est rire de plein ciel
Enlacement du futur
L'amour c'est Palmyre et Rio et Coblence
C'est les filles et les garçons
Quel que le soit le sens
Dans lequel ils s'aiment

Toi
Cousu de fil blanc électrique
Tu vises au coeur la ville
Tissant une traîne de tristesse
Mais au tac-tac détraqué des Kalach
Riposte le coeur du tac-au-tac
Tomber dans tes bras
Idiot
Plutôt aller au bistrot
Lever le coude
Se les serrer
Lever le poing s'il le faut
Et profondément
Très profondément
Te dédier
Une absence de haine



Attentats dans Paris le 13 novembre 2015

dimanche 18 octobre 2015

Un dimanche à Paris



Un dimanche à Paris




Doublé le réveil j'ai filé par les aiguilles
Fait le café avant l'aurore noir pour noir
Pris le temps sur les tomettes
D'écarteler mon corps

Cours mon corps dévale l'escalier
Dépasse dans la rue la blanche synagogue
En phase avec le bitume
Tes pas triomphent de la République
Vers Bastille s'enquillent
Jusqu'à la Cinémathèque

Scorcese s'y expose
Un écorché de cinéaste
Ragazzo de Manhattan
Qui filme
Les rues comme des rings
Les saisons comme des souffles
Les anges comme des buffles
Laissant un peu de sang
Perler sous l'été

Paris me reprend
Paris bijou Paris clarté
En bord de Seine un café
Il fait frais
Foulard noué pieds souples
Devant moi la beauté
D'une infinie journée




Exposition Martin Scorcese,
Cinémathèque Paris, octobre 2015- février 2016

vendredi 16 octobre 2015

Polymorphie





la voix dit le silence, la noirceur de l'espoir
en prison la voix est un caillou roulé sous la langue parlée à tout le monde ici
et là

la voix dit des poèmes écorchés, des lettres suppliciantes, des poses pas résignées
l'espace irréel de la cellule humanise jusqu'au rat

les cuivres rythment le temps-paradoxe du prisonnier
vacant découpé sans cesse

la batterie bat
les barreaux
la voix répand le grain
chaud-froid des textes

un prisonnier écrit pour tenir
pas pour s'évader
pour construire
dedans un dehors

Jean Zay ne bégaie pas, Albertine Sarrazin dit la douleur enfermée, Oscar Wilde asperge tout de jus acide
Regarde, dit-il, regarde ce que tu fais, toi libre et souverain de ta disponibilité
si tu savais ce que je souffre, combien tu jouirais d'être

album « Cellule », 16 octobre 2015 
( https://polymorphie.bandcamp.com/album/cellule)